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Un petit matin très ordinaire qui s’avèrera très extraordinaire

Hiver 2022. Je suis assise dans cette classe que je connais comme le fond de ma poche. Cette classe où je me sens comme chez moi. Cette classe où les peurs, les rires, et même parfois les excès de rage voyagent entre les quatre coins des murs. Mais c’est aussi cette classe où j’ai pu découvrir ce qu’était réellement le cinéma québécois.

Un crayon bien aiguisé à la main, ma vision bien plus nette due à mes lunettes, je suis prête à commencer le cours.


Je dois avouer que ce n’était pas avec une grande excitation que je me suis pointée ce matin-là dans mon cours de cinéma québécois. La plupart des films québécois que j’avais vus durant mon enfance et mon adolescence ne m’avaient jamais accroché. J’avais même une sorte de haine envers ceux-ci. Maintenant, si je prends un pas de recul, je crois tout simplement que cette distance que j’avais mise s’expliquait par le fait que les films que j’avais vus n’étaient pas la véritable représentation du potentiel que le cinéma québécois détient.


Revenons à nos moutons.


Je regarde l’heure sur mon téléphone. Il est seulement 8h15. Dire que je pourrais être dans mon lit en ce moment.


Un texte pop sur l’écran géant. Pour une théorie de la nation du sociologue Edgar Morin. Des liens venaient de se créer dans mon petit cerveau tout fatigué: la richesse de notre cinéma se bâtissait grâce à notre identité nationale. Notre cinéma raconte qui nous sommes et qui nous avons été dans le passé. Le but du cinéma et de l’art en général est de permettre de créer des liens entre les gens, de permettre une identification de soi-même à travers les personnages (1).


La suite devient plus intéressante selon moi puisque la nation se transposait maintenant à travers des constantes qui devenaient des métaphores visuelles et sonores. Dire quelque chose implicitement et non à travers des dialogues est l’un des aspects qui font en sorte qu’un film en est un bon. On transpose le contenu à travers la forme.


Débutons par l’un des aspects les plus simples, la langue. Cette dernière fait en sorte que nous pouvons établir une différence avec nos voisins, les Américains, qui sont des géants dans l’industrie cinématographique, ce que le reste du Canada a de la difficulté à faire puisqu’ils sont majoritairement anglophones. Dû à notre histoire, donc au fait que nous avons appartenu à la France, aux Anglais et que nous accueillons énormément d’immigrants, notre langue est un métissage de plusieurs langues. Cela fait en sorte qu’elle est unique et qu’elle se différencie du reste de la francophonie.


Évidemment, je me consignerai dans la liste des caractéristiques, mais les suivantes (et les deux dernières) sont celles qui m’intéressent le plus puisqu’elles font un merveilleux lien avec notre historique et ce sont généralement des aspects très récurrents et simples, mais, dans un film québécois, cela est très fort symboliquement et cinématographiquement parlant.


Un thème qui revient souvent dans le cinéma québécois est la fuite dans l’imaginaire ou l’exil à l’extérieur. On peut le retrouver dans Tu dors Nicole et Viking de Stéphane Lafleur par exemple. Dans le premier, la protagoniste, Nicole, veut partir en voyage avec son amie, car elles s’ennuient où elles sont. Dans le deuxième, David est envoyé dans une simulation sur Mars afin de trouver des solutions aux problèmes des 5 astronautes qui sont réellement sur Mars. Il quitte sa femme et ses amis pour plusieurs mois et rien ne pourra se mettre entre lui et sa mission. Ce thème peut donc faire référence, à travers les personnages, que les Québécois ressentent de la déception ou du rejet face à leur réalité. Cela fait un lien, par exemple, avec la réponse négative des deux référendums d’indépendance.


La représentation de l’orphelin revient également de façon répétitive dans nos films. C’est le cas dans le long-métrage Noémie dit oui dans lequel la protagoniste, Noémie, se sauve de l’orphelinat après le procès où sa mère à refuser de la reprendre chez elle. Cela peut symboliquement faire référence à l’histoire de notre nation. La Nouvelle-France a été abandonnée par sa mère patrie, la France, après que cette dernière ait perdu la guerre de la Conquête contre l’Angleterre. La Nouvelle-France était comme orpheline et a été adoptée par la Grande-Bretagne.


Tout cela peut paraitre très poussé, mais, comme mon professeur nous le mentionnait, il ne faut pas se rapporter seulement aux valeurs symboliques. On se doit de voir l’ensemble global également. L’une des plus grandes forces du Québec est de faire beaucoup, mais avec peu. Comme je l’ai mentionnée dans mes articles précédents, nous sommes une petite population au Québec, donc cela fait en sorte que le monde du cinéma est également peu nombreux. Nos budgets et nos équipes de tournage sont beaucoup plus petits qu’aux États-Unis, par exemple, mais nous arrivons quand même à faire des chefs-d'œuvre reconnus à l’international (2).


Quelque temps après ce fameux cours de théorie, je suis entrée dans cette fameuse classe. Cette classe n’était pas comme à l’habitude. En avant étaient placées plusieurs tables formant un demi-cercle, ce qui voulait dire que nous allions faire une discussion sur le film québécois que nous venions de voir. Ceux qui me connaissent le savent, je déteste parler en public. L’horreur! Je me rappellerai toujours ce moment. L’un de mes collègues avait nommé un propos sur l’aspect visuel auquel je n’étais tout simplement pas d’accord, mais, pour la première fois de ma vie, je n’ai pas du tout hésité une seconde et j’ai levé la main bien haute. Mon professeur m’a regardé avec un grand sourire et il m’a tout de suite donné le droit de parole. À ce moment-là, je savais que le cinéma québécois était devenu très important pour moi, car mes peurs ne valaient plus rien à côté de cet amour et que, maintenant, je voulais tout faire en mon pouvoir pour continuer cette lignée.


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(1) Cuierrier, S. (2022). Cinéma et nation, Cinéma québécois. 530-193-RO. [Notes de cours]. Collège de Rosemont.

(2) Cuierrier, S. (2022). Constantes du cinéma québécois, Cinéma québécois. 530-193-RO. [Notes de cours]. Collège de Rosemont.


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