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Retour sur le Prix collégial du cinéma québécois

Dernière mise à jour : 23 mai 2023

En avril dernier s’est tenu le Prix collégial du cinéma québécois (PCCQ). Le film gagnant du prix coup de cœur fut Viking de Stéphane Lafleur, les quatre autres films en compétition étaient Arsenault et fils de Rafaël Ouellet, Babysitter de Monia Chokri, Falcon Lake de Charlotte Le Bon et Un été comme ça de Denis Côté.


Je me suis entretenue avec Richard Turmel, enseignant en cinéma au cégep Montmorency et un des noyaux de fondation du PCCQ.

L’évolution de la première édition à aujourd’hui…

Le PCCQ est fondé par des professeur.e.s, regroupant Pierre Fontaine du cégep Lionel Groulx et Fannie Martin du cégep Saint-Laurent en littérature et en cinéma, qui furent inspirés par le Prix littéraire des collégiens. Ainsi, ils se sont associés pour créer un évènement semblable, en faisant appel à des profs amis, dont Richard Turmel.


Dès l’automne 2010, des rencontres ont lieu pour mettre sur pied la première édition du PCCQ en 2012.


Au départ, 15 cégeps participent à la première édition. Puis au fil des années, Monsieur Turmel me souligne qu’ils ont « fait aller [leurs] carnets d’adresses, pour aujourd’hui avoir une cinquantaine de cégeps participants ». Par exemple, Richard avait déjà présidé l’association des profs de cinéma du Québec, il a donc contacté ses pairs de l’enseignement pour leur demander s’ils voulaient embarquer. D’années en années, une augmentation du nombre de participants est notoire. Le projet repose sur la volonté des enseignant.e.s qui le font de manière bénévole.

« Le slogan est 5 films qui font jaser, et ça, on y tient. On ne fait pas juste voter les étudiant.e.s sur des films québécois, si c’était le cas on pourrait faire un vote électronique – et de grosses économies ! – on trouve important de réunir les jeunes pour qu’ils puissent avoir des discussions pour donner suite au visionnement de chaque film. »


L’édition 2023 compte plus de cinquante cégeps, certains participent même lorsqu’ils n’ont pas de programme de cinéma ou de communication, ce peut être dans le cadre d’un cours de français que les étudiant.e.s visionnent les films. Même l’école du meuble était présente!

Avant de se rendre aux délibérations finales, au sein même de chaque cégep participant, le.la professeur responsable organise le visionnement des films de la manière qui lui dit. À Montmorency, une soixantaine de jeunes ont participé à la fin de semaine de visionnement organisée par Richard.

Ensuite, les étudiant.e.s de chaque cégep élisent un représentant pour la délibération nationale finale. Le choix s’est arrêté sur Loïc Gomez-Gatkowski étudiant en première année au collège Montmorency en arts, lettres et communications option médias avec lequel j’ai discuté également. Il me raconte son expérience avec passion, comme il a dû en être empreint lors des délibérations à Québec.


Le jeune étudiant partage qu’il retire particulièrement « les connections qu’[il] a fait avec les autres étudiant.e.s passionné.e.s. On est toujours en lien et on peut se partager nos projets. » Il se compte chanceux d’avoir participé à un évènement autant ancré de la culture cinématographique québécoise, et d’avoir pu développer son intérêt pour le milieu qui constitue une sphère de son domaine d’étude.

La sélection des films

Un comité sélectionneur de cinq personnes connues du milieu, changeant selon l’édition, est chargé de la sélection. Le critère est que le film québécois doit être sorti en salle au cours de l’année et il doit représenter le cinéma québécois dans sa diversité.


Il y a parfois des films anglophones, puisque ça fait partie du cinéma québécois également, mais c’est rare. Les représentants de cégeps anglophones s’expriment en français lors des délibérations.

La délibération nationale finale

Le PCCQ se tient annuellement à Montréal, puis à Québec. Monsieur Turmel partage que le but est de « démontréaliser l’évènement » afin que les gens de régions soient tout autant inclus.


« Le cinéma étant une industrie, on observe une concentration des moyens de production et de la main d’œuvre, ce qui fait en sorte que ce qui est réalisé en cinéma au Québec a tendance à se centraliser à Montréal. Les institutions, les endroits où on peut avoir des prêts, de la location d’équipements, des studios… c’est beaucoup plus dans la métropole que c’est développé. Le PCCQ s’adresse à tous les cégeps – la création des cégeps était dans le but d’offrir une éducation post-secondaire de qualité en région – c’est donc logique d’avoir cette alternance Québec-Montréal pour favoriser une proximité selon les régions participantes une année sur deux. »

Richard Turmel animant lors de la délibération nationale finale.Source: Facebook Prix Collégial du Cinéma Québécois


L’évènement rassembleur comprend deux rondes de délibération.


La première ronde se déroule en table de six personnes, animée chacune par un.e enseignant.e, il s’agit de « discussions à bâtons rompus sur les cinq films, un échange d’informations… »


Dans la seconde ronde, on se retrouve avec un tiercé de films sur lesquels débattre et discuter. Tous les participant.e.s sont réuni.e.s. Les tours de paroles sont limités, chaque personne peut avoir deux tours de paroles de 60 secondes chronométrées par Richard, environ les deux tiers s’expriment deux fois. À la lumière des discussions, les étudiant.e.s ont la possibilité de changer leur choix.


C’est d’ailleurs le cas de Loïc, qui devait tout d’abord défendre Falcon Lake au nom de Montmorency, puis qui a finalement tangué vers Viking. Il a donc changé d’idée au cours de l’évènement, ce qui démontre que le PCCQ repose sur des discussions qui font tendre vers un consensus.


Loïc me partage qu’il s’agit tout de même de « faire entendre son point de vue et de convaincre, il faut donc décidément avoir un certain ton de voix, un dynamisme, une assurance. » Le représentant du collège dit avoir remarqué plusieurs énergies et certains cégepien.n.e.s qui expriment des opinions fortes qui faisaient sourciller.

Le rôle d’animation

Richard se confie quant à son rôle : « À Montmorency, j’ai un rôle de pédagogue, je porte l’attention sur certains éléments de la forme, du fond du film, je fais des interventions… tandis que lors de la délibération finale, mon rôle relève de l’animation, je facilite les discussions, j’établis les règlements, les cartons de parole, m’occupe du chronométrage et du vote… »


Monsieur Turmel, ayant présidé des assemblées syndicales avec le code Morin et le code CSN allégé, a rapidement constaté, au fil des éditions du PCCQ, qu’il fallait établir certaines procédures lors des délibérations.


« Pour le vote, il est important que le comptage obtienne 50% des votes plus un, sinon on retourne en délibération sur les deux films avec le plus de points, jusqu’à temps qu’on ait un film qui peut se distinguer avec une majorité absolue. »

La marraine du PCCQ

D’une grande générosité, Micheline Lanctôt est la porte-parole depuis la première édition. Monsieur Turmel se dit chanceux d’avoir une « militante pour favoriser la place du cinéma québécois. Elle est à la fois une grande comédienne, une cinéaste qui a toute une filmographie derrière elle, et elle a enseigné le cinéma plusieurs années à Concordia. C’est elle qui anime le café cinéma le lendemain de la délibération finale. »


Cedit café cinéma consiste en une discussion avec un.e ou plusieurs invité.e.s.


« Cette année l’invitée était Sophie Dupuis, récipiendaire du coup de cœur de l’édition 2022. La discussion démarre autour de la question : De quoi est fait le cinéma québécois qu’on aime? Et ensuite les étudiant.e.s sont appelé.e.s à participer. »

Les représentants des cégeps. Source: Facebook Prix Collégial du Cinéma Québécois


L’avenir du PCCQ

Je questionne Richard à savoir s’il entrevoit une édition encore plus grande pour 2024 et il répond : « On souhaite demeurer collégial. Il y a 48 cégeps au Québec, mais 54 participants cette année, ce qui est arrivé puisque certains cégeps ont plusieurs campus. La University of British Columbia a même participé, ils ont envoyé un délégué de Vancouver… On sait qu’il y a des cours de cinéma québécois dans des universités américaines, on reste à l'affût de ça également, mais l’expansion dans les années à venir se fera plutôt par la notoriété du prix qui continue à prendre de l’ampleur. Les cinéastes considèrent ce prix comme très important étant donné qu’il forme en partie la relève cinématographique et donc les individus qui vont aller voir leurs films dans le futur. »


Il souligne aussi que cette année c’était la première fois qu’un média national envoyait un journaliste pour couvrir l’évènement. Une reconnaissance serait donc à acquérir à ce niveau-là.


Les réseaux sociaux se développent également pour s’inscrire dans l’ère du temps. On peut suivre les actualités des évènements sur les comptes Instagram et Facebook du PCCQ.

Question financement, les subventions sont importantes pour ce genre de projet, si on veut garder l’accessibilité pour les étudiant.e.s. La SODEQ et Téléfilm Canada ont embarqué après dix ans, et étonnamment, cette année fut la première fois que le ministère de l’enseignement supérieur contribua financièrement au PCCQ.


La mission du PCCQ

Lorsque je demande à Monsieur Turmel s’il veut me révéler pour quel film il aurait voté, je me doute qu’il ne tiendra pas à se prononcer. En effet, il me dit que pour lui, ce qui fait qu’ils ont gagné, c’est qu’ « au moins 1 000 personnes ont vu cinq films québécois. Le PCCQ, ça forme un public, ça sert la cause du cinéma québécois, dans le sens où les participant.e.s deviennent plus enclins à aller voir des films québécois en salle, ou même à cliquer sur ceux-ci sur les plateformes en ligne. Les gens sont probablement plus enclins à visionner du cinéma québécois une fois qu’ils ont vu cinq films, en ont discuté et mesuré leur valeur. Le but est de s’y habituer. Depuis un très jeune âge, on est formé à voir des films américains, au modèle narratif bons contre méchants, où le bien, pro-américain, l’emporte sur le mal puis se termine sur un happy ending. Avec une activité comme le PCCQ, on souhaite former le public à un cinéma d’auteur, d’art, de qualité, plus exigeant que celui qu’on retrouve à Hollywood particulièrement.»


« Le but est d’ouvrir les esprits, mais surtout de donner des clefs de compréhension pour qu’on puisse retirer un réel plaisir à visionner des films un peu plus exigeants. »


« On réussit vite à transgresser le préjugé que beaucoup ont par rapport aux films du Québec. On constate que ce n’est pas un seul et même genre de film, il y a une grande diversité au sein même du cinéma québécois. » ajoute-t-il.

Je remercie Loïc Gomez-Gatkowski et Richard Turmel pour leur temps et leur générosité lors de nos entretiens.



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