Portrait de nos gagnants : Axel Robin et Melissa McCracken
Dernière mise à jour : 15 févr.
Chaque année, nous aimons vous faire découvrir les gagnants du Festival Émergence de Montréal. Cette année, nous commençons avec Axel Robin et Melissa McCracken, gagnants dans la catégorie “Expérimental” grâce à leur film Undark.
L’idée derrière Undark : Les Radium Girls
Il est presque difficile de croire qu’Undark est le premier film de danse du cinéaste émergent Axel Robin. Le diplômé du baccalauréat en Film Production de l’Université Concordia a réalisé ce court-métrage expérimental en collaboration avec son amie et collègue Melissa McCracken, productrice, chorégraphe et interprète du film. C’est d’ailleurs elle qui a contacté Axel puisqu’elle avait préalablement créé une chorégraphie qu'elle voulait adapter au médium du cinéma. Cette dernière est diplômée en danse à l’Université Concordia et a aussi été formée dans le même domaine à New York auparavant.

Undark est un film basé sur une performance elle-même inspirée d’une histoire vraie: celle des Radium Girls. Pendant les années 20, ces femmes ouvrières d’usines peignaient des cadrans de montre avec de la peinture autolumineuse, afin de permettre aux soldats de pouvoir lire l’heure dans le noir. Ayant reçu l’ordre de “pointer” leurs pinceaux avec leurs lèvres afin de travailler plus rapidement, ces Américaines ont ingéré une quantité mortelle de radium. Ces femmes ont donc commencé à souffrir de problèmes dentaires, d’anémie, de fractures osseuses et de nécrose de la mâchoire. Une cinquantaine de femmes sont tombées malades et douze en sont tragiquement décédées.
Photo: Axel Robin, photo du Festival Émergence de Montréal
Undark tente de dénoncer, grâce à la performance de Melissa, la trahison des compagnies propriétaires des usines, mais aussi la trahison du corps : “Quand tu as 20 ans, tu as l’impression que tu as la vie devant toi, tu travailles, tu fais de l’argent et tu t'imagines déjà t'acheter une belle maison… mais finalement ton corps se met à faillir.” Il y a donc un aspect très corporel dans la chorégraphie et dans le film, un travail autour de l'idée d'exposer ses blessures pour parvenir à les guérir. Le but de la performance était entre autres de parler de cette histoire afin de ramener ce récit de l'avant-plan dans l'Histoire, mais aussi d’explorer soi-même le concept de réaction à la trahison du corps.
L’expérimental pour fragmenter le corps
Le choix d’en faire un film expérimental permettait de fragmenter le corps, sans avoir à utiliser d’effets spéciaux, de maquillages ou d’effets gores. L’histoire est tragique, voire horrible, mais le but des cinéastes n’était pas d’en faire un film d’horreur. L’expérimental leur a permis de fragmenter le corps grâce au montage, le déformer grâce aux effets d’une lentille (ils ont par exemple mis de la vaseline sur un bout de verre qu’ils ont bougé devant la lentille, alors que la caméra se promenait autour de l’artiste). Cela a donc permis de rendre le corps de la danseuse un peu flou et de le déformer. On peut y voir un aspect très sensoriel.
Un autre aspect intéressant que permettait le film expérimental est que la caméra se dégrade en même temps que le corps du personnage. Selon Axel, il y a un gros travail sur la forme et non seulement sur le contenu : “Au début, c’est très clean, on voit tout le corps, la lumière est belle… à la fin c’est plus découpé, montage en alternance, superpositions, effets de lentilles”.
Le message que voulaient transmettre les deux cinéastes était donc de souligner la résilience et de dépeindre la souffrance d’un corps affaibli, et ce, grâce à la danse : “Le corps qui se bat pour illustrer le corps des femmes qui se battent", explique Melissa.

Melissa McCracken, dans le film Undark, photo du Festival Émergence de Montréal
Exploiter la lumière et la musique pour un message encore plus fort
Un aspect très intéressant du court-métrage est l’exploitation de la lumière verte, qui représente visuellement le radium, tout au long du film: “Au début, c’est juste une petite teinte sur le côté, qui est jolie et intrigante, et peu à peu, elle se met à envahir tout l’écran, tout l’environnement de la danseuse. Plus ça avance, plus elle déforme le corps et l’image. Puis, elle en vient à bout”, explique Axel.
La trame sonore a pour sa part été créée par l'artiste Catalina Galán Vargas spécialement pour le film, après le tournage. C’est donc en voyant le montage final que Catalina a pu composer une trame sonore avec de la guitare, des effets sonores et des déformations, qui collait parfaitement à la chorégraphie et au message à diffuser. Axel explique, “il fallait une trame qui soit légère, douce et pleine d’espoir au début, très optimiste et qui devient tranquillement très stressante et viscéralement inconfortable, jusqu’à ce que ce soit très dérangeant à la fin.” Melissa ajoute finalement que la trame permet de transporter le spectateur dans un voyage émotionnel, nostalgique au début, puis juxtaposant graduellement l’horreur que les gens ressentaient à l’époque.
Le Festival Émergence de Montréal pour se rencontrer
C’est finalement au FEM 2022 que plusieurs artisans du film ont pu se rencontrer en personne pour la première fois. C’est en effet le cas pour Axel, qui a rencontré Catalina pour la première fois à la projection ! C’est d’ailleurs à cet événement qu’il a pu voir le film sur grand écran pour la première fois.
Axel prépare d’ailleurs la sortie d’un prochain film de danse, qui est tout le contraire d’Undark. Ce dernier réunit 10 interprètes, qui effectuent une chorégraphie de groupe, avec un aspect plus théâtral, éclaté et coloré. "L'œuvre présente une équipe de tournage qui filme une scène en studio, et tous les membres de l’équipe sont des interprètes de danse. C’est la chorégraphie naturelle d’un plateau de tournage, mais sublimée. Ils portent des costumes colorés, tout en couleurs pastels, et dansent sur de la musique électro. C’est sur le concept du plaisir de faire du cinéma !” Le cinéaste mentionne d’ailleurs que ce n'est assurément pas son dernier film de danse.
Axel vient aussi de terminer le tournage d’un documentaire sur une artiste bientôt nonagénaire, et qui a peint les paysages de sa vie sur les murs de sa maison et qui en a fait un musée.
Pour sa part, Melissa prévoit de se concentrer sur ses études en psychologie, pour aider les gens à exposer leurs blessures afin de les guérir et de dépasser la souffrance.
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Pour toute question ou demande de collaboration, voici leurs coordonnées :
Axel Robin : axelrobin98@gmail.com
Melissa McCracken : melcrack12@gmail.com